mardi 5 mars 2019

Polina

Depuis toujours, je lis énormément de bande dessinée, de romans graphiques, de mangas, de blogs dessinés et même de bédénovelas (Les Autres Gens, L’Été arte...)... Presque autant que de romans, ce qui chez moi n'est pas peu de chose. Il n'y a guère que les comics que je goûte peu, mais je pense que c'est par méconnaissance.
Bastien Vivès est un auteur contemporain qui fait régulièrement polémique. Je le confonds régulièrement avec Thomas Cadène pour l'innovation de son trait et la modernité des thèmes qu'il traite. J'ai bien aimé certaines de ses oeuvres (Le Chemisier), j'en ai trouvé d'autres navrantes (Elle(s)). Je viens de lire Polina et j'avais envie d'en parler ici.

Impossible de ne pas penser au film Black Swan lorsqu'on entame ce roman graphique. Sauf que la danseuse dépassée par l'ambition de sa mère, qui rencontre un pygmalion entre ogre et démon, a six ans et pas vingt au début de l'histoire. On en est d'autant plus fasciné·e, et mal à l'aise.
Bastien Vivès est malin : l'histoire débute comme Black Swan, mais prend un chemin parallèle. Au lieu de s'enfermer dans le cercle de son école de danse, l'héroïne pratique la fuite en avant : elle la quitte pour un théâtre contemporain, abandonne celui-ci pour une autre compagnie, puis intègre une troupe de théâtre à Berlin, et ainsi de suite... Elle laisse derrière elle des amis, des amours, les retrouve et les perd, tout comme cet ancien professeur qui lui faisait si peur à six ans mais lui propose plus tard d'incarner un spectacle en solo. Cette relation ambiguë est au cœur du livre.
Tout du long on se demande si Polina, qui brûle régulièrement ses vaisseaux, sacrifie son futur sur des coups de tête, ou au contraire marche vers un avenir triomphant. Cette question m'a tenue en haleine tout au long des deux cents pages.

J'ai trouvé l'intrigue beaucoup plus riche que Black Swan car la jeune fille grandit (on la suit sur de nombreuses années) et a davantage de libre arbitre que la Nina campée par Natalie Portman.
Ensuite, je ne peux que conseiller l'ouvrage pour le style graphique ébouriffant de Vivès. Tout est en noir et blanc, avec un peu de gris ; le trait est nerveux, épuré, mais restitue les mouvements avec une virtuosité que j'ai rarement vue : les gestes de danse bien sûr, mais aussi le balancement d'une queue-de-cheval sur l'épaule quand Polina se retourne vers Bojinski, son ancien maître. Les expressions aussi sont rendues avec une finesse que je n'avais jamais vue ailleurs, les visages aussi : en trois cases on a l'impression de connaître les personnages depuis toujours.

Je conseille donc ce roman graphique à qui aime la danse, l'art au sens graphique du terme, les relations troubles, les personnages féminins qui s'affranchissent des clichés, à qui a aimé Black Swan, ou ne l'a pas aimé. du tout...


La chanson du jour : Mina Tindle, "Pan". Un duo inoubliable avec un ancien des Innocents.

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas pû finir de visioner Black Swan, alors je ne pense pas être la lectrice idéale pour ce roman graphique. Par contre je découvre ce blog avec plaisir. Je reviendrai! :)

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  2. Super ! Tu es très bienvenue ici ;)

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